Poursuivant son Histoire intime de la Ve République, Franz-Olivier Giesbert nous livre le second tome qui englobe les présidences de Georges Pompidou (1969-1974) et de Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981).
Sa plume est toujours alerte et ce volume se lit aussi bien que le premier. Certes, il n’y a pas la dramaturgie de la guerre d’Algérie et son cortège de drames, mais les bons moments ne manquent pas : Sartre (« Fouquier-Tinville du Café de Flore ») et toute l’extrême-gauche maoïste sont exterminés sans pitié tandis que la classe politique est décrite avec cruauté et une verve incontestable.
Indulgent avec Pompidou, incrédule devant la nomination de Chaban-Delmas, interloqué par les manières de Giscard et consterné face au vide intellectuel de Chirac, l’auteur nous raconte mille histoires et anecdotes vécues qui nous apprennent beaucoup sur ce monde au fond assez médiocre, les plus honnêtes étant irrémédiablement condamnés à perdre ou à rester dans l’ombre. C’est un théâtre cynique, ce n’est jamais le fond qui compte et le mensonge règne en maître.
Giesbert est toujours dans sa gauche caviar du Nouvel Obs mais reconnait ses erreurs (pas toutes) avec simplicité : comme l’ensemble des journalistes, il a pris Ronald Reagan pour un crétin qui ne pouvait pas gagner et, l’accompagnant dans sa campagne, prend une leçon d’efficacité électorale. Le monde journalistique en prend d’ailleurs pour son grade et c’est assez jubilatoire.
Sa talentueuse cruauté n’épargne même pas Simone Veil qu’il dit pourtant vénérer : « Quel bande d’affreux salauds, je les hais » lui dit-elle en parlant des députés qui osent se dresser contre elle et sa loi sur l’avortement. « Simone Veil n’a pas volé sa réputation de méchanceté » conclut-il impitoyablement.
Sans illusion sur l’affaissement de la France, Giesbert conclut, lucide : « Au cours des années 1980, tout est en place pour le délitement qu’on sent venir sans oser encore l’énoncer ».
Une lecture joyeuse et instructive.
le Sursaut laissait un espoir,la Belle époque représente un enterrement…
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