Menaud est maître-draveur. Il dirige une équipe qui doit organiser et assurer la libre flottaison de troncs d’arbres sur un fleuve jusqu’à leur destination. Nous sommes au Québec, sur une terre que Menaud aime par-dessus tout : « Nous sommes venus il y a trois cents ans et nous sommes restés. » lui lit Marie, sa fille, « dans la grande paix dorée du soir ».

Il est inquiet : les Anglais achètent les terres et aimeraient se débarrasser de ces hommes peu commodes venus de France avec leur religion et leur courage. « Ils ont acquis presque tout l’argent, mais au pays de Québec rien n’a changé. Ces gens sont d’une race qui ne sait pas mourir. »

Pourtant, le mouvement semblant inéluctable, certains se laissent tenter attirés par des bons gages. L’un d’eux fait sa cour à Marie au grand dam de Menaud qui est bien décidé à ne jamais lui donner sa fille. Mais la jeune fille est troublée par ce jeune homme qui porte beau.

Bien oublié en France, Félix-Antoine Savard reste une référence dans la littérature québécoise et ce petit roman est considéré comme un des meilleurs sur le sujet de ce pays né « sous les lys des Rois de France », selon la formule consacrée. Sans atteindre le niveau littéraire de Maria Chapdelaine, le chef d’œuvre québécois, Menaud maître-draveur se lit facilement, avec plaisir et émotion. Surtout, il traite d’un monde spécifique, celui des draveurs, au métier si épique et si risqué.

Prêtre de son état, Savard a mis dans son œuvre littéraire tout son amour pour son Québec. On y trouve des accents proches de René Bazin et sa Terre qui meurt. Rarement réédité, les éditions Omnibus l’ont sorti de l’oubli avec le recueil Québec, il y a quelques années.