Un critique littéraire américain sait que le grand poète (imaginaire) Jeffrey Aspern a eu une liaison, des décennies auparavant, avec une ravissante jeune fille au doux nom français, Miss Bordereau. Il apprend un jour qu’elle est devenue une très vieille dame qui vit recluse avec sa nièce dans un palais de Venise, décrépi mais non sans charme : « Il n’était pas particulièrement ancien, il n’avait que deux ou trois siècles ; et il avait un air, non tant de ruine, que de paisible découragement, comme si, plutôt, il avait manqué sa carrière. »
Aspern est mort prématurément (« le seul point noir de sa carrière » écrit joliment Henry James) et il y a si longtemps qu’il est inespéré que sa conquête la plus fameuse soit encore en vie.
Un confrère du critique sait qu’une abondante correspondance a été conservée par la vieille dame. Il lui a écrit pour envisager une publication mais s’est vu opposer une brutale fin de non-recevoir.
Notre critique comprend alors qu’il faut aller sur place pour espérer lire la correspondance du poète qu’il vénère. Il décide donc d’aller à Venise et de s’introduire dans la place en louant une partie du palais. Il est prêt à tout mais la vieille dame n’est guère commode. La partie s’engage.
Dans ce petit roman de 130 pages, Henry James nous offre l’étalage habituel de son talent où alternent finesse, ironie et incertitude jusqu‘au bout. Venise est charmante, les longues soirées d’été dans le jardin du palais font rêver et l’on se laisse porter par la sérénité des lieux que vient seule troubler la fébrilité de notre critique.
Un beau moment littéraire.
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Les Livres d'Antoine 