
Pour oser recommander la lecture d’un roman anglais du XIXè siècle faisant près de 1100 pages, il faut être sûr de son fait. Commençons donc par la conclusion : Middlemarch est un chef d’œuvre. Toutes les qualités requises y sont rassemblées. Le style, exceptionnel, la qualité des différentes intrigues qui se superposent en toute clarté et les descriptions subtiles des personnages dont le lecteur peut suivre l’ascension ou la chute.
Il s’agit d’une peinture psychologique et sociale très fine de ce qui fait la vie des êtres. L’amour, l’amitié, la religion, l’argent, la liste pourrait être longue tant l’auteur explore toutes les facettes de l’action et de la pensée humaines.
Dorothéa Brooke est une jeune fille d’une beauté rare : « La beauté de Mlle Brooke était de la sorte que semble mettre en relief une tenue modeste. Elle avait la main et le poignet si bien dessinés qu’elle pouvait porter des manches tout aussi dépourvues de style que celles avec lesquelles la Bienheureuse Vierge apparaissait aux peintres italiens. ».
On comprend en sous-jacent que Dorothéa est modeste et pieuse. Sir James Chettam lui fait une cour discrète de gentleman mais elle est si loin de ce genre de sujet qu’elle est persuadée qu’il vient pour sa petite sœur.

L’obsession désordonnée de Dorothéa est de se dévouer. Elle ne sait pas bien comment et croit trouver la réponse en acceptant d’épouser un pasteur antipathique plus âgé de trente ans. Il se prend pour un brillant intellectuel et la jeune immature pense accomplir sa vocation en l’aidant à finaliser ses travaux en gestation. James accepte son échec sentimental mais tente au moins d’empêcher cette erreur, en vain.
La déception commence dès le voyage de noces à Rome, où l’orgueilleux homme délaisse son épouse pour vaquer à ses recherches. Au musée du Vatican, Will, originaire lui aussi de Middlemarch et cousin du pasteur qu’il déteste, croise la jeune femme qui pose sans le vouloir près d’une statue antique. La beauté mélancolique de Dorothéa va frapper le jeune homme qui ne l’oubliera plus. Cette scène est magnifique. Lorsque Will comprend sa solitude, il est indigné : « L’idée que ce pédant desséché, ce concocteur de menues explications à peu près aussi importantes que les réserves de fausses antiquités dans l’arrière-boutique d’un marchand, avait commencé par convaincre cette adorable créature de l’épouser, puis passait sa lune de miel éloigné d’elle, poursuivant à tâtons ses futilités poussiéreuses (Will était enclin à l’hyperbole), cette image soudain l’émut d’un dégoût cocasse. »
Mais bien sûr la vertu de Dorothéa est inattaquable, Will ne peut envisager de lui faire la cour et doit souffrir en silence.
Parallèlement, un jeune médecin ambitieux, Lydgate, s’installe à Middlemarch. Il est le point de mire des regards et la belle Rosamond n’est pas indifférente. Soutenu par le très riche Bulstrode il gravit les échelons. Mais Buslstrode a de terribles secrets derrière lui, qui vont frapper Will de plein fouet.

Autour de ces personnages principaux, d’autres acteurs gravitent : Fred qui veut épouser Mary que convoite également un autre pasteur, mais doux et aimable celui-là, Caleb, l’homme bon qui ne pense et ne dit jamais de mal de personne (c’est bien le seul dans cette ville de province dont une des activités principales consiste à parler du prochain), bien d’autres encore au rôle romanesque parfaitement agencé. Tous ont une personnalité si bien décrite que le lecteur se promène dans cette ville et dans ses salons de façon de plus en plus familière.
George Eliot, après une très longue éclipse, est enfin redécouverte. Elle vient d’entrer dans la Pléiade et commence à conquérir un public lassé de la médiocrité ambiante. Il faut éviter de lire le dos de la dernière édition chez Folio : le texte en dit trop et fait une sérieuse erreur d’analyse. La préface de Virginia Woolf ne vaut pas grand-chose non plus et le lecteur désireux d’en savoir plus lira l’excellent petit essai que Mona Ozouf vient de consacrer à George Eliot. Avec Le Moulin sur la Floss, déjà recensé sur ce blogue, Middlemarch est l’autre chef d’œuvre de ce grand écrivain qu’il faut découvrir.
Vous pouvez acheter ce livre sur le site Livres en famille :

merci cher Monsieur, cela donne vraiment envie d’en savoir plus!!amicalement. Armelle de Maynadier
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