Leonid Gagarine est un as des échecs. Elevé dans un monastère, un moine lui a appris les inépuisables secrets de ce jeu inhérent à la Russie. Lorsque la révolution bolchévique éclate, Gagarine choisit le camp des athées, le lecteur saura pourquoi il a basculé.
Membre des services secrets après la victoire des rouges, il mettra toute son intelligence, sa science des échecs et ses névroses personnelles au service du régime. Sa spécialité consiste à détruire les personnalités des suspects par le bais des échecs : des mois passés en isolement avec un jeu incomplet ou truqué ont raison des plus récalcitrants. Ils sont finalement trop heureux d’échapper à cet enfer en avouant tout ce que l’on veut.
C’est plus efficace que la torture physique, jugée primaire par Gagarine.
Pendant la guerre, il fut sauvé par Vladimir Radek avec qui il connut ensuite tous les combats. Une solide amitié les liait mais un jour Vladimir tomba amoureux d’une ennemie du peuple, la comtesse Stolypine. Il continua néanmoins à servir le nouveau régime mais Gagarine ne lui pardonna jamais cet écart, indigne d’un bon communiste.
Les grandes purges des années trente seront l’occasion de retrouvailles rendues plus impitoyables encore par la personnalité séduisante de la comtesse.
Bien plus tard, Gagarine reçoit une lettre anonyme où il est juste écrit e4. Quelqu’un veut jouer aux échecs à distance contre le maître. La partie s’engage.
Dans ce livre insolite, construit sous forme de roman policier (certains diraient thriller), l’auteur multiplie les allers-retours entre les années vingt, trente et cinquante sans que le lecteur ne se perde. La tension psychologique ne cesse pas, l’action est soutenue et l’on vient vite à bout des 220 pages de ce roman.
Oskar Freysinger, écrivain suisse qui s’essaya à la politique, a construit un roman passionnant qui dissèque avec brio le caractère mortifère du régime soviétique. Le lecteur ne s’ennuie jamais, jusqu’au coup de théâtre final.
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