Il y a le Marcel Aymé des villes et le Marcel Aymé des champs. Uranus et La Rue sans Nom, déjà présentés sur ce blog, se passent en ville. Il était juste de saluer aussi l’écrivain des champs, qui n’est pas moins savoureux.
L’histoire commence par une pendaison. L’Aurélie, comme on l’appelle, était fatiguée de vivre. Bonne chrétienne pourtant, elle a d’ailleurs demandé pardon à la Sainte Vierge avant le geste fatal. Mais « son grand corps était séché de fatigue », elle n’en pouvait plus.
Le mari, Urbain, découvre la scène avec stupeur le soir. Ce n’est pas qu’il ait beaucoup de peine, mais il est ennuyé : l’Aurélie était bonne travailleuse. Les beaux-parents, alertés, se recueillent devant le corps et proposent ensuite à Urbain, une autre de leurs filles, qui n’est guère facile à caser.
Urbain refuse : il a la Jeanne en tête. Celle-ci serait d’accord mais elle est la sœur de Frédéric. Ce dernier sort de prison ; rien de méchant : un peu de braconnage et un peu de trafic de tabac, entre autres.
Le beau-père, vexé du refus de son gendre, parle à Frédéric. Il n’arrive pas à le convaincre qu’Urbain a tué l’Aurélie (pourquoi tuer sa femme quand elle se tue à la tâche, ce ne serait pas raisonnable). Mais Frédéric se persuade que c’est Urbain qui l’a dénoncé aux gendarmes.
Alors il décide de le tuer.
Sous une autre plume, ce pourrait être sordide. Avec Marcel Aymé, c’est drôle, caustique, un tantinet cynique. Mais pas tant que cela au fond : c’est surtout la tendresse pour ses personnages qui animent le récit. Il y a quelques vrais méchants bien sûr, mais plus de gentils. Ils ont de solides défauts et pourtant, comme Marcel Aymé, on les aime bien.
Et puis le style est d’une brillante simplicité. Pas un mot de trop, des phrases courtes, une merveille d’écriture.
Il faut lire et relire ce grand écrivain.