« Il était une fois un chêne, un gros vieux chêne, et, dans le tronc de ce chêne, se tenait mussé un homme. Si parfaitement intégré à l’arbre, dont il avait d’ailleurs pris la couleur grise, si incrusté dans le creux du bois, souvenir d’une déchirure d’orage, que personne n’eût imaginé que ses membres, qui parfois se détachaient du tronc pour se désengourdir, eussent pu appartenir à une autre espèce que végétale. »
Ainsi débute cet étonnant roman qui , de 1793 à 1820 nous conte l’histoire d’un village vendéen.
L’homme caché sera appelé Duchêne bien sûr, ou plutôt Dôchagne avec l’accent. Pendant qu’il vit ainsi camouflé, les colonnes infernales de Turreau, « l’Ogre-Turreau » comme les Vendéens l’appelleront, tuent, violent, pillent. Lorsque le silence se fait, et que le génocide semble accompli, il sort. Il va errer, de charnier en charnier, avant de trouver quelques survivants, terrés dans la forêt, encadrés par un prêtre, appelé le curé-Noé, car ils sont les rares rescapés.
Le danger semble enfin écarté et la misérable troupe quitte les bois. Elle va reconstruire ce village sous l’impulsion du curé-Noé et des chouans Dôchagne et Chante-en-Hiver.
Avec eux, nous voyons revenir les notables républicains, finir la révolution et arriver Bonaparte. Il sera « l’Antechrist » malgré le Concordat qui divisera le village et entraînera la création de la Petite Eglise. Un projet d’assassinat se monte lorsqu’il traverse la Vendée en revenant d’Espagne.
Enfin le roi revient et envoie son neveu saluer ceux qui ont tout perdu pour lui. Mais Turreau fait partie de sa suite. « Vive le roi quand même » dira tristement un officier chouan aux paysans incrédules.
Ce beau récit mérite d’être lu et nous apprend beaucoup sur ces chouans courageux, pieux mais incroyablement superstitieux et obtus.
Michel Ragon, ancien bouquiniste des quais de Seine, est un autodidacte aux idées très contrastées. Libertaire, spécialiste d’architecture, d’art moderne et de littérature prolétarienne, il est aussi l’auteur de romans de facture très classique comme son cycle vendéen par lequel il voulait saluer « la mémoire des vaincus ».
Michel Ragon, l’un de mes auteurs français préférés, bien qu’anarchiste, il rend compte des guerres de Vendée avec objectivité, voir aussi du même auteur l’excellent « l’accent de ma mère »
J’aimeJ’aime
Un bon roman, mais….:
« Les mouchoirs rouges de Cholet » est un Roman intéressant et émouvant sur l’histoire d’un village vendéen qui se relève de ses ruines après les massacres de la Révolution. L’auteur est plein d’affection pour ces paysans courageux, fidèles, durs au mal, un peu superstitieux aussi, dont il prend clairement le parti, et dont il décrit avec minutie la vie, les moeurs et les coutumes. C’est le côté sympathique du livre.
Mais l’auteur est certainement de gauche. Il voit d’abord dans l’insurgé vendéen un prolétaire persécuté par ses propriétaires, et qui a été trahi par ceux pour qui il se battait, c’est à dire le roi (qui l’oublie), les nobles (qui le chassent de sa forêt et de sa métaierie) et l’Eglise (qui signe le concordat). Le héros, désespéré, ne trouvera de salut que dans la fuite. Domage, parce que l’histoire est bonne et les personnages attachants.
J’aimeJ’aime