Tout Balzac est contenu dans Le Colonel Chabert car on y trouve une synthèse des personnages emblématiques de ses romans.
D’abord Chabert, l’homme droit, naïf mais fier : « Il vaut mieux avoir du luxe dans ses sentiments que sur ses habits. Je ne crains, moi, le mépris de personne. »
Puis l’homme de loi, Derville, brillant, ambitieux mais au fond humain : « Nos études sont des égouts qu’on ne peut curer. J’ai vu mourir un père dans un grenier sans sous abandonné par deux filles auxquelles il avait donné quarante mille livres de rente ! J’ai vu brûler des testaments. J’ai vu des mères dépouillant leurs enfants, des maris volant leurs femmes, des femmes tuant leurs maris en se servant de l’amour qu’elles leur inspiraient pour les rendre fous, afin de vivre en paix avec un amant. Je ne puis vous dire tout ce que j’ai vu , car j’ai vu des crimes contre lesquels la justice est impuissante. »
Et une jolie femme, la Comtesse Féraud, menacée par le retour imprévu de ce mari devenu encombrant et qui va se défendre avec une férocité toute balzacienne…
L’histoire est si connue qu’on n’ose la résumer. D’ailleurs elle tient en un court dialogue :
« Monsieur, lui dit Derville, à qui ai-je l’honneur de parler ?
_Au Colonel Chabert.
_Lequel ?
_Celui qui est mort à Eylau, répondit le vieillard. »
En peu de pages, Balzac a concentré son génie romanesque comme rarement. Le style est parfait, vif et enlevé de surcroît. Et les personnages saisissants de réalisme.
Après avoir lu ou relu ce chef-d’œuvre, vous pourrez, en toute confiance, voir l’excellent film d’Yves Angelo (1994) où Depardieu campe si bien le vieux colonel. Et Luchini en Derville vaut à lui seul le spectacle.
La version filmée de 1943 avec Raimu est bien plus émouvante que celle où Depardieu joue Chabert..
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