Uranus de Marcel Aymé, 1948

La petite ville de Blémont ne vit pas une Libération très pacifique. Le climat est aux règlements de compte et à la toute puissance communiste. Les ex-pétainistes ou supposés tels courbent l’échine et cherchent à se faire oublier. La destruction de la moitié de la ville par un bombardement récent n’apaise évidemment pas l’ambiance lourde qui règne.

Un soir, l’ingénieur de l’usine, Archambaut, se promène. De jeunes FFI, à la recherche d’un journaliste collaborationniste en fuite, veulent l’arrêter. L’atmosphère est tendue mais il est finalement relâché. En rentrant chez lui, il tombe sur le dit collabo qui le supplie de le cacher chez lui. Archambaut ne veut pas livrer à la vindicte du moment cet homme qu’il connaît et accepte.

Commence une étrange cohabitation avec cette famille bourgeoise peu encline à l’engagement politique. Etrange et dangereuse car une partie de l’appartement a été réquisitionnée pour une famille de militants communistes dont l’immeuble a été détruit.

Marcel Aymé, qui n’a pas aimé l’épuration, nous régale avec les descriptions féroces des enrichis du marché noir achetant leur tranquillité, des résistants de la onzième heure, des gendarmes serviles devant tous les régimes ou des idéologues sectaires : « En tant que marxiste Jourdan méprisait le pittoresque comme un ingrédient à colorer la misère du peuple ».

Mais comme toujours, il sait aussi mettre en scène des personnages originaux et attachants : le professeur Watrin, confident d’Archambaut, amoureux de la nature et des astres, notamment Uranus, « malheureuse planète sombre roulant aux marches de l’infini ». Leopold, le cafetier alcoolique, colosse sentimental qui accueille la classe de Watrin et se prend de passion pour les alexandrins en entendant les écoliers réciter Andromaque. Même Gaigneux, le prolétaire communiste, nous émeut en s’éprenant de Marie-Anne, l’adolescente bourgeoise inatteignable.