Sylvain Tesson boit trop. Et quand il a vraiment exagéré il se promène nuitamment sur les toits. Une chute de huit mètres en aurait tué plus d’un mais le lac Baïkal et la Bérézina ont endurci l’homme qui, très abîmé tout de même, a passé de longs moments à l’hôpital.
On lui suggère un centre de rééducation. Il préfère « demander aux chemins ce que les tapis roulants étaient censés me rendre : des forces. »
Le voilà parti, pour plusieurs mois, sur les chemins noirs, ainsi nommés grâce aux cartes de l’IGN, au 25000e tout de même. Des petits chemins ruraux, des appuis de lisières, des voies antiques délaissées seront ses chemins, en noir sur la carte, oubliés si possible : « Certains hommes espéraient entrer dans l’histoire. Nous étions quelques uns à préférer disparaître dans la géographie. »
Depuis le Mercantour jusqu’au Cotentin Sylvain Tesson marche (en essayant d’éviter routes et ronds-points) et observe. Sa plume, brillante, sait être acerbe : « Un des lointains premiers ministres de la Vè République (Jean-Marc Ayrault, période Anatole France) avait commandé un rapport sur l’aménagement des campagnes françaises. Une batterie d’experts, c’est-à-dire de spécialistes de l’invérifiable, y jugeait qu’une trentaine de départements français appartenait à l’hyper-ruralité. Pour eux la ruralité n’était pas une grâce, mais une malédiction. Le rapport se faisait rassurant : bientôt, grâce à l’Etat, la modernité ruissellerait sur les jachères. Le wifi ramènerait les bouseux à la norme. Au lieu d’écrire « Par les champs et par les grèves » le futur Flaubert se fendrait d’un « Par les ZUP et par les ZAC ». Les bénéficiaires de ces aménagements feraient de bons soldats, des hommes remplaçables, prémunis contre ce que le rapport appelait « les votes radicaux ». Car c’était l’arrière-pensée : assurer une conformité psychique de ce peuple impossible. »
On pourrait ainsi multiplier les extraits savoureux car Sylvain Tesson a le sens de la formule. Il a rejoint avec brio la sympathique cohorte des écrivains voyageurs et Sur les chemins noirs est peut-être son meilleur livre.
Il faut le respirer à pleins poumons.
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Il faut lire aussi « La Panthère des neiges » où il ne se passe presque rien, par – 35 °C dans les montagnes du Thibet, et pourtant, Sylvain Tesson, en quelques 170 pages montre la beauté du monde et ..ce que nous en faisons.
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Très bon périple avec Sylvain Tesson ; c’est distrayant et intelligent.
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Très bon moment sur ces chemins de traverse avec Sylvain Tesson !
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