Ce troisième et dernier volume de la « Chronique transylvaine » est dans la droite ligne de « Vos jours sont comptés » et « Vous étiez trop légers » : une parfaite réussite.
Cette trilogie exceptionnelle devrait figurer en bonne place dans les classiques incontournables de la littérature d’Europe centrale, littérature de grande qualité qu’on ne lit pas assez.
Adrienne est de plus en plus belle : « La lumière dansait sur ses épaules, sur son cou, sur la naissance de sa gorge, sur le marbre poli de sa peau. Elle n’avait plus rien de la fillette montée en graine qu’elle était longtemps restée et qui toujours s’enveloppait de châles et de voiles pour cacher ses salières et sa nuque un peu maigrichonne; plus rien de celle dont on avait l’impression qu’elle était toujours vierge bien qu’elle fût mère depuis très longtemps, plus rien de celle qui se sentait outragée quand elle lisait leur désir dans les yeux des hommes.
Elle était si belle, si majestueuse, que son apparition suspendit toute rumeur. Elle traversa la salle, comme portée par la conscience qu’elle avait de sa beauté. »
Miklos Banffy ne sait pas seulement décrire les jolies aristocrates hongroises. Les excursions de Balint sur ses terres et dans ses forêts sont également l’occasion d’odes à la nature exceptionnelles de beauté et de lumière.
Mais la politique est là et surtout les tensions internationales. 1914 se rapproche et Balint est inquiet. Il est lucide et accablé par les stupides agissements de politiciens qui vont détruire leur monde avec orgueil, cynisme et volubilité stérile.
Et avec Banffy nous versons une larme sur ce bel empire austro-hongrois emporté, tout comme son voisin et ennemi russe, par la folie diabolique de la guerre de quatorze.
Concluons avec cette belle citation biblique que l’auteur met au début de ce troisième volume :
« …Et la main de feu, poursuivant son chemin, traça un troisième mot sur le mur de plâtre du Palais : »Divisé ! »
Aucun des convives pourtant ne la voyait, ils étaient ivres, ils mettaient à l’encan les vases d’or et d’argent de leurs ancêtres, ils se disputaient à cause de leurs faux dieux de pierre, de bronze et de bois, jusqu’au moment où leur force s’épuisa.
Or l’armée perse était déjà aux portes de la ville, et tous allaient périr au cours de cette nuit-là… »
Elle fait suite aux deux autres jugements que la main divine trace sur le mur du palais de Balthazar : « Compté, Pesé, Divisé. »(Mane, Thecel, Phares en araméen)
Ces trois mots sont l’explication des trois titres de la traduction française : Compté (Vos jours sont comptés), Pesé (Vous étiez trop légers ), Divisé (Que le vent vous emporte).
Ainsi meurent les empires.
Ne passez pas à côté de ce chef d’oeuvre.
Disponible chez Libretto