« Dans l’immensité de l’univers, dans le système solaire, sur la terre, en Russie, à Moscou, dans la maison d’angle de Sivtsev Vrajek, dans son cabinet de travail, dans son fauteuil, était assis le savant ornithologue Ivan Alexandrovitch. » 

Ce beau et original incipit n’omet qu’un détail, la date : nous sommes en 1914 et la quiétude du monde animal cher au célèbre professeur va être bouleversée. Celle des hommes davantage encore.

Le professeur vit avec son épouse et leur petite fille, la délicieuse Tanioucha. L’adolescente, orpheline, a deux passions dans sa vie : son grand-père et le piano. Pour ses dix-sept ans, elle reçoit ses amis, le professeur en profite pour inviter ses amis scientifiques. Nous retrouverons ces personnages tout au long du roman, et surtout pendant les années terribles qui suivirent la révolution bolchévique.

Tanioucha, cœur du roman, connaîtra les épreuves mais sa joie de vivre et sa bonté, soutenues par l’amour de son grand-père, l’empêchent de sombrer dans la tristesse. Elle irradie autour d’elle et, à son grand désarroi, les hommes tombent souvent amoureux d’elle.

Mikhaïl Ossorguine, banni d’Union soviétique en 1923, s’installa en France où il écrivit Une rue à Moscou dont le succès fut très important. Les éditions Noir sur Blanc (héritières de l’Age d’homme et des Syrtes) viennent opportunément de le rééditer.

Très brillamment écrit, ce roman est à la fois réaliste et poétique. Les descriptions du monde animal sont réjouissantes. Souris, fourmis et hirondelles raisonnent comme des êtres humains. Résolument pacifiste, l’auteur s’attarde sur les souffrances des mutilés, en particulier de Stolnikov, et certains passages sont difficiles. Cela ne doit pas empêcher le lecteur de poursuivre car le roman monte en qualité et en intensité au fur et à mesure que l’étau communiste broie les indociles. Mais Tanioucha ensoleille tout, même l’hiver moscovite.

Ossorguine se moque des bolchéviques avec une finesse souvent réjouissante. La saisie d’un piano est un grand moment où la culture, désemparée, doit s’incliner devant la bêtise brute. Tout un symbole où l’écrivain déploie son art du récit.

Un très beau roman.

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